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24 mars 2009 2 24 /03 /mars /2009 00:09

La femme n'aurait pas voulu grandir ainsi ...
Alors elle se réfugiait dans les bribes de son enfance, très loin dans ce pays chaud .
La poussette roulait ... Il y avait aussi ce petit chausson qui s'était perdu, qui avait disparu dans le néant du chemin cahoteux, et malgré les retours et détours le chausson qui laissait le petit pied froid resta introuvable ...
Le bébé avait déjà froid aux pieds .

Et le doigt coupé en deux par la porte claquée brusquement : un courant d'air . Du sang partout . La clinique en face . Le retour de la maman pour récupérer le bout du doigt qui était resté à terre . Et le masque posé sur la figure de la petite fille qui n'a pas eu le temps de compter jusqu'à trois pour s'endormir .

Cependant plus tard la petite poupée l'obsédait . La petite poupée aux cheveux longs qu'elle coiffait, recoiffait, interminablement . Elle jouait à la vraie maman et la serrait très fort sur son petit coeur . C'est elle qui l'avait choisie, elle était noire la petite poupée, elle était belle . La poupée s'appelait "Noëlle" parce que 25 décembre d'une année lointaine .
Le sapin n'existait pas pourtant dans la maison . Le sapin que la petite fille inventait . Seules quelques guirlandes ornaient le philodendron aux immenses feuilles, immobile au coin de la pièce .
Les guirlandes ne clignotaient pas, comme absentes, simplement scintillantes .
Si peu .

Tous les dimanches la famille et les amis partaient pique-niquer dans la grande forêt d'Azrou, la forêt d'Azrou au sein de laquelle les singes, du bébé au grand-père, faisaient le tour de la ronde, guettant par ci par là quelques morceaux de pain, de friandises, de mandarines . Un bonheur . Pour la petite fille .
Dans une grande bâtisse, non loin de cette forêt, les tapis marocains étaient tissés ... Inlassablement, par des femmes expertes et concentrées .
Tapis éblouissants, en laines multicolores, hypnotisaient les yeux éblouis de l'enfant . Cela gravé à jamais dans la mémoire .
La forêt fleurait bon l'eucalyptus .

Et la neige tombait, parfois, en hiver . Vacances scolaires inoubliables .
La main caressait les stalagtites le long du ruisseau gelé . L'appareil de l'enfant photographiait ces souvenirs inoubliables ... La prairie blanche . Les lunettes d'Alain, qui riait, la grande maison aux chambres multiples prêtée pour la circonstance aux enseignants français . La grande maison dans laquelle le champagne coulait à flot au nouvel an . Les grandes personnes buvaient et les enfants finissaient les coupes, en cachette . Même que le petit frère d'Alain, qui avait quatre ans, avait copié, et complètement saoûl ne savait plus ce qu'il faisait ! Les grandes personnes n'ont jamais compris ... ni su .
Pendant que les parents faisaient la fête, les deux garnements en profitaient pour faire des blagues et des farces succulentes .
Les lits en porte-feuille qui faisaient hurler le père pressé de dormir alors que la mère riait . Et l'on entendait le père qui criait : "tu as fini de rire comme une clé à molette ?"  L'on n'a jamais compris cette question ...

Aussi le bol de chocolat chaud fumant, le matin, avec des morceaux de pain trempé . Avant d'aller au lycée . Ne pas partir le ventre vide ...
Le petit tableau noir . Des mots en français et des mots en arabe . Lors de l'absence des parents la jeune fille apprenait le français à Zhora, "la bonne", et Zhora apprenait le marocain à l'enfant . Quelle rigolade ! Complicité émouvante liait plus tard la jeune fille et Zhora qui faisait sortir par la fenêtre celle qui était punie .

Le croissant de la boulangerie, au bout du trottoir interminable, qui l'attendait . Chaque jeudi . La main dans celle de la mère . Le baiser sur la main de la mère "Je t'aime maman" . La main que la mère rejette violemment, disant que cela ne se fait pas dans la rue . Déjà la petite fille retenait ses larmes . Soumise . L'adulte a raison . Toujours raison .

Mais les jolis livres offerts en cadeau lors des bonnes notes ... Bonheur qui faisait oublier le reste .

Et les cheveux longs de l'enfant qu'Alain, l'ami d'enfance de toujours encore et maintenant, coiffait et recoiffait, langoureusement, comme pour ... Le lit partagé dans lequel tous les secrets inavouables se racontaient au milieu de la nuit, à voix basse, chuchotements ... Personne ne devait entendre .

Les enfants tout heureux faisaient des ricochets avec des petits cailloux plats dans la rivière . Tandis que les parents gravissaient le chemin de la côte qui serpentait au-dessus . Le caillou de la petite fille, mal lancé, qui heurta par malheur la nuque de la mère . Et la mère qui s'évanouit .
Est-ce depuis cet instant-là aussi que la mère détesta l'enfant ?

La première cigarette aussi se fumait, dans la cave de l'immeuble . En cachette . Avec Cathy . La meilleure amie .
Les premières amours réchauffaient ou brûlaient les petits coeurs ...

La petite fille grandissait et les premières chaussures à talons habillaient fièrement ses petits pieds fragiles .
Déjà trop fragiles .

La jolie robe jaune enveloppait aussi son petit corps délicat ...
Trop délicat ...
Encore délicat
Toujours délicat .


 
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commentaires

M
Bonjour -Mèl- !! Mignonne la photo !!Mais pauvre petite fille qui n'a pas eu d'amour de sa maman, c'est un traumatisme qui dure malheureusement toute une vie, à mon avis.Encore toujours aussi triste ce texte, mais qui ne peut que m'émouvoir avec tous ces détails et ces mots choisis avec soin, si précis.Passe un agréable mercredi -Mèl- !Je pense à toi, bisousMarie
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M
<br /> Bonjour Marie.<br /> Oui, le traumatisme dure, les relations ne changeant pas...Le caractère profond d'une personne ne change jamais, hélas...<br /> Je te souhaite une bonne soirée aussi. Je t'embrasse,<br /> - Mèl -<br /> <br /> <br />
M
Non...la suite vient de ce passé...Le résoudre d'une autre façon. Qu'un maelström...Je t'embrasse Didier, le présent est là. Seul le présent.- Mèl -
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D
A cette époque ni toi ni moi ne nous doutionssi j'avais connu la suite je me serais tiré une balle .......je t'embrasse MEL
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D
Enfants malheureuxjeunesse trop vite passée innocencele drame attend
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M
Merci Didier. Prends soin de toi. Je t'embrasse,- Mèl -
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  • : Maelström
  • : Longue histoire que cette perte de soi... Un récit douloureux. Un exutoire. Une femme à côté de son corps durant 28 ans. Cette femme : moi. Un récit aussi où la prose prend une grande part.
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