15 juin 2009
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Cette année la chaleur débute tôt . Il a beaucoup plu l'hiver mais les fleurs et les arbres fruitiers n'ont pas gelé . Le matin je me lève à cinq heures pour sulfater la vigne avant que le vent ne fasse son apparition .
Je pense au facteur qui me salue chaque fois qu'il me croise dans les rues du village . Dans la même matinée, sur son vélo, il est capable de me lancer son "Bonjour !" six fois, suivant l'endroit où l'on se rencontre .
Aujourd'hui il s'est suicidé .
De belles et multiples grappes de raisin encore vert révèlent une vendange féconde . J'aime ces moments où le monde dort encore, aucun bruit ne vient troubler la campagne, les voitures attendent patiemment dans les garages . Seuls quelques lapins heureux de cette quiétude qui ne durera pas longtemps sautillent à travers champs . Un moment de vérité . Le jour n'est pas encore levé . A peine .
Deux oiseaux se répondent quelque part, sans doute pour s'assurer que l'autre est toujours vivant .
Me fondre dans la nature avec eux .
Lorsque la vigne est trempée de rosée je sais que le vent ne se lèvera pas . Rareté dûe à la région du Sud, non loin de la méditerranée, où s'affrontent tantôt le vent d'autan, tantôt le mistral . Il arrive assez souvent qu'une fois arrivée à la vigne le vent se lève et je fais demi-tour, le maudissant . Parfois il se lève avant que je ne finisse et, la sulfateuse accrochée derrière le dos, il me renvoie les vapeurs du jet dirigé sur le feuillage de la vigne . J'accélère alors le pas en essayant de respirer le moins possible, presqu'en apnée, tandis que la main droite pompe de plus en plus vite la manette de la sulfateuse . Un masque appliqué sur le visage, au-dessous des yeux, aurait été le bienvenu .
Le froissement de ce vent me rappelle que je ne suis pas celle que je suis . Je n'ai pas d'image de moi .
Je ne sais toujours pas qui je suis . La nature me regarde et je suis dans le paysage .
Dans le seuil du souffle la langue m'échappe .
TOI Tu dors encore, de ton sommeil sans rêve
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